Hommages à André Lavagne
Véronique Lavagne
Papa
Le prof comme l’appelait certain de mes amis,
ça a vraiment commencé pour moi en 68 pendant nos vacances d’été à Escreins [Queyras]
au milieu des étudiants contestataires dans cette réserve de nature qu’il dirigeait bien avant la tendance écolo …
Nous le suivions dans les sentiers botaniques avec ses étudiants…
et il nous montrait les astragales queue de renard , Berardia , et autres Carex bicolor …
prof de botanique mais aussi de SVT, de géographie et d’histoire …
pour nous … c’était Wikipédia, Google et le Larousse à lui tout seul …
Des années après sa retraite il arriva un jour chez lui dépité de ne plus avoir accès à la faculté où il allait encore
régulièrement ( non renouvellement de son badge d’entrée) …
il continua malgré tout et participa encore à l’élaboration du recueil inflovar
dont il fit la dédicace un peu avant ses 90 ans …
Véronique LAVAGNE
Georges Rebuffel
Hommage à mon Maître André Lavagne
Né le 28 avril 1932
Décédé le 19 octobre 2024
Sans me permettre d’occuper une place que je n’ai pas par les liens du sang, mais par ceux du cœur,
Je me sens beaucoup orphelin,
Orphelin de mon père spirituel dans les sciences.
J’étais instituteur.
En compagnie de mon meilleur ami, Jacques Dhennin, depuis l’École Normale Mixte du Var, à Draguignan (avant
de devenir « IUFM »(1991), où nous nous sommes connus, dans la même promotion, en 1975,
nous nous étions intéressés de plus en plus à la botanique, et à partir de 1980… Nous avons commencé des
balades, partagé des prospections, des séjours de camping à observer la nature, et de plus en plus de virées dans
le Var (et ailleurs)
Mais, jusqu’en 1992, il est amusant de le dire, pour un botaniste : je végétais !
Puis, alors que j’étais membre de la Société d’Études Scientifiques et Archéologiques de Draguignan et du Var,
Un jour de 1992, Pierre Gayrard, le Président, me dit : « il est venu Madame Lavagne » dont le mari, Monsieur
André Lavagne, est professeur de biologie végétale à Marseille…la botanique… Il l’a envoyée pour se renseigner
sur nos herbiers. Il doit venir tel jour, vous voudriez le rencontrer ?
J’avais lu le nom « A. Lavagne » « Directeur de la publication », dans un livret-bulletin « Biologie-Écologie
Méditerranéenne » contenant la carte de la végétation d’Allos, et la notice, publié en 1980 par l’Université de
Provence, que m’a mère s’était procuré pour moi, au siège du Parc du Mercantour, à Nice, et aussi, son nom
figurait parmi les auteurs de la carte de la végétation au 1/200000ème, feuille de Marseille, que j’avais achetée
auprès de la librairie du CNRS :
Je m’empressais de dire OUI.
Et le cours de ma vie changea en 1992 !
Je rencontrais André Lavagne, qui fut mon Maître en botanique ;
il me prit sous son aile comme élève, « étudiant-libre ».
C’est-à-dire, alors qu’il était Professeur d’Université à L’Université de Provence (UP), Faculté des Sciences Saint-
Charles à Marseille, je n’allais pas suivre ses cours en amphi.
Il m’enseigna en pratique et en théorie, sur le terrain, … d’emblée, simple, affable, naturel et bon enfant
(mais toujours avec une prestance effective, sans fatuité, ni arrogance)
Il me proposa très vite d’aller faire des balades d’observation, des inventaires dans la nature…
avec des notes, me donnant des articles scientifiques…
Et durant les années 90, puis 2000, il me montrait les principaux sites, dont les lieux notoires que « je devais
connaître », à propos des plantes du Var :
La « mare de Rodié », en bord de route, au sud-est du Cannet des Maures, pour Ranunculus revelieri,
premièrement citée là sur le continent par Rodié ; le nord Est du Collet Redon à la Bouverie, pour le « locus
classicus » de l’Ophioglossum azoricum, de Louis Poirion…
Enfin, il ne parlait pas toujours des plantes en latin, il savait transmettre son savoir avec simplicité et générosité,
et nous partagions de nombreux repas pique-nique, avec sa « bibine Lavagne », comme il disait, « moitié eau-
moitié vin !» Il m’emmenait ainsi aux « Gours bénis » à Tourves, aux « Trois Termes », dans l’Estérel, pour la rare
fougère non méditerranéenne Blechnum spicant ; à Flassans et à Besse, voir l’Armoise de Molinier dans les lacs
temporaires du centre Var…
Un jour, il me dit : « Rebuffel, vous devriez préparer un Diplôme de Recherche, un D.U.S (ex D.E.S.), je vous
dirigerais ». Il était alors, à la suite du Professeur René Molinier, son Maître, le Directeur du Laboratoire de
Phytosociologie-Cartographie végétale à la Fac. Saint-Charles, au 7ème étage, où d’abord Molinier, puis lui-même
et son équipe de professeurs ont publié de nombreuses études et cartes de la végétation du Var et de la région…
Quel honneur il me faisait !
À propos du diplôme de recherche, il poursuivit : « il y a bien des sujets à approfondir… il faudrait étudier le genêt
de Villars… les marécages du haut-Var, aussi… »
Enthousiaste à l’idée de mener des recherches, encadré par un tel Maître, je me lançais, tout en enseignant.
À partir de 1994, nous voilà partis dans l’arrière-pays varois (et même au-delà…) pour de multiples prospections,
relevés de flore, cartographies, photos… et analyses des groupements.
Inscrit en recherche à l’Université de Provence, de 1996 à 1998, je préparais sous sa direction mon diplôme de
recherche sur « les associations végétales du genêt de Villars dans le Var », que je soutenais à Marseille le 30
septembre 1998. Je fus son dernier étudiant dirigé officiel.
Puis nous avons poursuivi l’études des marais et zones humides, jusqu’en 2002, publiant ce travail dans le Bulletin
de la Société Linnéenne de Provence.
Entretemps, et c’est là qu’il me mit le pied à l’étrier du travail collectif en botanique, il m’invita à la 1ère réunion
constitutive du projet d’ « association pour l’inventaire de la flore du Var », initiée par Yvette Orsini (Botaniste
avertie et dentiste), et Frédéric Médail (alors Maître de conférences à L’Université de St Jérôme, à Marseille,
aujourd’hui Professeur-Chercheur à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale
à Aix les Milles), avec Roger Cruon, Ingénieur-Conseil, Botaniste, alors responsable des sorties botaniques de la
Société des Sciences naturelles et d’Archéologie de Toulon et du Var, qui devint dès lors notre 1er président, et
Annie Aboucaya, alors Botaniste au Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles, à Hyères,
aujourd’hui au Parc National de Port-Cros…
Grâce à André Lavagne, je devins membre d’INFLOVAR au 1er jour : nous étions douze, ce 17 janvier 1996.
Et si aujourd’hui j’ai eu le plaisir de vivre une riche carrière de botaniste, qui m’a permis d’explorer la flore de 14
départements autres que les 8 que j’avais déjà visités, certains avec mon ami Jacques, d’autres avec mon Maître,
Carrière que je poursuis activement, retraité mouvementé ! je la dois à André
Je dis son prénom, parce que cet homme m’est cher
Qui partagea de si nombreux jours avec moi, m’invitant chez lui, dans sa maison d’Entrecasteaux, parmi sa
famille ! M’hébergeant une nuit afin de partir plus tôt, alors que je résidais aux Arcs.
Nous étions souvent sur le terrain…
Un jour de la fête des pères, une autre fois, le jour de son anniversaire !
Je lui dois ce deuxième métier.
Il m’a apporté une formation concrète, vécue en pleine nature.
Il fit de moi un ami, plus qu’un ami… On faisait tant de prospections en duo, le Maître, et l’élève !
Et, lorsque je vécus des soucis, il me déclara : « Croyez en mon indéfectible Amitié ! »
C’est bien sûr lui qui me proposa de devenir Botaniste consultant, en partageant des inventaires pour des
Bureaux d’études : je découvris l’Association multidisciplinaire des biologistes de l’environnement, puis l’Atelier
Pierre Marino, et son ancienne élève Marie-Laurence Marino, amie avec qui je travaille toujours.
Je dois à cet homme généreux, accueillant, toujours d’humeur joviale, (il aimait le Reggae, et le groupe UB 40 !)
d’être devenu un de ces étranges personnages penchés sur les haies, les prairies, les garrigues, ou le maquis…
pendant de longues minutes, les tenants de la « science aimable », celle qui s’occupe des plantes,
qui sont à la base de la vie des êtres vivants supérieurs, ne l’oublions pas, éléments indispensables…
Comme disait Pierre Lieutaghi : « Toujours la vie, Toujours la vie »
… Adieu Maître
Merci
Georges Rebuffel